Cycle de 5 films – du 26 février au 18 mars
La réputation des années 30 dans le cinéma français n’est plus à faire, décennie la plus belle, la plus riche. Vigo, Carné, Renoir, Duvivier… etc.
Toute l’année nous allons réfléchir à l’origine de cette décennie incandescente, en montrant des séries de films français du début du parlant. Nous commençons avec l’œuvre noire, précise, implacable de Julien Duvivier grâce à la réédition de 5 films par la maison de distribution Les Acacias.
Soirée spéciale Julien Duvivier
Lundi 3 mars à 19h00 : David Golder (1931)
à 21h00 : La tête d’un homme (1933)
Films suivis d’une discussion avec le critique de cinéma Emmanuel Burdeau.
Avec Harry Baur, Jackie Monnier, Paule Andral.
Apprenant qu’il n’est pas le père de celle qu’il a élevée comme sa fille, le riche homme d’affaire David Golder décide de provoquer sa propre ruine, entraînant avec lui tous ceux qui lui ont fait confiance.
Avec Harry Baur, Valery Inkijinoff, Gina Manès.
Julien Duvivier installe une intrigue policière et psychologique dans le Paris des années trente : une vieille femme est assassinée, Maigret est chargé de l’enquête et un simple d’esprit est arrêté. Mais le commissaire doute immédiatement de sa culpabilité et poursuit ses investigations contre l’avis de ses supérieurs. Jean Tarride, puis Jean Renoir, ont déjà adapté à l’écran deux romans de Georges Simenon, dont l’auteur n’est pas satisfait. Il décide alors de réaliser lui-même La Tête d’un homme, mais le projet tombe à l’eau. Julien Duvivier reprend le film et modifie la chronologie du scénario qui, à l’inverse du roman, s’ouvre sur le crime et nous dévoile le coupable. Il ne s’agit alors plus de découvrir l’auteur, mais plutôt son mobile. C’est Harry Baur qui prête au commissaire sa carrure et sa bonhomie, et Valéry Inkijinoff, acteur d’origine russe peu connu à l’époque, qui interprète très justement Radek, un meurtrier déséquilibré à la personnalité tragique. Dans ses carnets de notes, conservés à La Cinémathèque française, Henri Langlois évoque à deux reprises La Tête d’un homme. À la sortie du film, il reproche à Duvivier d’essayer de « peindre l’humanité d’une façon objective ». Quelques années plus tard, il revient sur ses mots pour reconnaître les qualités esthétiques et dramatiques du film : il admire chez le réalisateur « sa science artisanale, son contact avec l’auteur, qui lui permettait, dans le réalisme, d’en obtenir le meilleur ».
Un film de Julien Duvivier – France – 1937 – 93 min – N&B – Avec Jean Gabin, Mireille Balin, Line Noro…
Chef de gang parisien aussi recherché par la police que par les femmes attirées par son charisme, Pépé le Moko se planque dans la Casbah d’Alger. Un dédale de ruelles et de passages secrets, qui tient lieu de refuge autant que de prison. Jean Gabin en héros tragique, à la fois dur et vulnérable, dans un fleuron du réalisme poétique et l’un des films les plus influents du XXe siècle.
On a tout dit de ce drame de Duvivier : sa poésie des bas-fonds, son expressionnisme, son exotisme superbement factice de film « colonial » ; qu’il était le premier vrai film noir à la française… Tout est vrai. Le comparse de Pépé avec son bilboquet rappelle le complice de Scarface jouant sans cesse avec une pièce de monnaie. Les dialogues de Jeanson sont une ode à Paris, au parfum du métro, plus enivrant que toutes les épices réunies. L’assassinat de Charpin aux accents violents d’un piano mécanique pourrait sortir d’un Fritz Lang des années 1930. Comme ce dernier, d’ailleurs, Duvivier interroge la culpabilité individuelle ou collective à travers Pépé, le bouc émissaire. Un homme seul dans la foule qui paiera cher d’avoir cru à la liberté, à l’amitié, à l’amour — des valeurs trahies, comme dans Panique ou La Belle Équipe. Ce romantisme désespéré est indémodable.
Un film de Julien Duvivier – France – 1931 – 87 min – N&B – Avec Rosine Deréan, Harry Baur, René Levèvre…
Cinq hommes font connaissance à leur arrivée au Maroc. Parmi eux, un jeune millionnaire, Le Guérantec. Au cours d’une fête locale où ils se conduisent fort mal, ils sont pris à partie par un sorcier, qui prédit leur mort à tous et dans un ordre précis. En effet, peu de temps après, le premier à avoir été maudit disparaît tragiquement.
Un film de Julien Duvivier – France – 1932 – 80 min D’après le roman Poil de Carotte de Jules Renard. Avec Robert Lynen, Harry Baur, Catherine Fonteney.
Poil de Carotte est le souffre-douleur de sa mère Mme Lepic. Son père ne prête aucune attention à lui, tout occupé qu’il est par la chasse et la politique. Malgré l’affection de son parrain et de sa petite camarade Mathilde, qu’il appelle déjà sa » fiancée « , Poil de Carotte est hanté par l’idée de se suicider. Un jour que sa mère l’a particulièrement maltraité et son père particulièrement négligé Poil de Carotte tente de se pendre. M. Lepic survient à temps pour le sauver. Il comprend alors ses torts et devine la bonne nature de l’enfant. Ils seront deux désormais pour lutter contre le caractère acariâtre de Mme Lepic.
« L’excellente et infiniment triste nouvelle d’Irène Némirovsky adaptée et condensée dans un film parfait des débuts du cinéma sonore. Harry Baur, offre l’une de ses meilleures performances dans ce récit des derniers jours misérables d’un homme riche qui s’était hissé aux sommets de l’échelle sociale après avoir commencé comme chiffonnier dans les rues d’Odessa pendant son enfance. » (Wes Anderson)
Dix ans après ses débuts au cinéma (Haceldama ou le prix du sang, 1919) et fort d’une carrière dans le Muet riche mais au succès inégal (Crépuscule d’épouvante, 1921 ; L’Abbé Constantin, 1924…), Julien Duvivier réalise son premier film parlant en 1931 : David Golder, adaptation d’un roman de l’écrivain russe francophone Irène Némirovsky, paru en 1929. Marcel Vandal et Charles Delac, producteurs attitrés de Duvivier, lui restent fidèles. C’est pourtant contre leur avis que Julien Duvivier fait appel à Harry Baur, vedette venue du théâtre, pour le personnage de Golder. David Golder marque la première étape de la fructueuse collaboration (six films) et relation d’amitié qu’entretiendront le cinéaste et l’acteur. Dialogues précis et secs, différents niveaux de narration sonore, David Golder témoigne d’une parfaite appropriation du nouvel outil. Le film reçoit par ailleurs un accueil critique dithyrambique et marque le premier vrai succès de la carrière de Duvivier.