Tourné dans sa ville de cœur, Austin, au début de l’année 1990, le film-culte du réalisateur indépendant Richard Linklater, “Slacker”, fut réalisé à la manière d’un documentaire marabout-de-ficelle.
La mention est discrète. On la trouve tout au bout du générique de fin : « Cette histoire est basée sur des faits réels. Tout rapport avec des événements ou des personnages fictifs serait pure coïncidence. » Ultime pied-de-nez de Richard Linklater à une convention qui érige d’habitude la fiction au-dessus des lois et des « vraies gens ». Au contraire, le réalisateur de Slacker revendique de s’être approché au plus près de sa ville d’Austin et de ses oisifs habitants, saisis dans une succession de saynètes juxtaposées sans véritable enjeu dramatique mais habilement reliées entre elles par un jeu de marabout-de-ficelle.
Chaque « glandeur » (le slacker du titre) prend la place et la parole du précédent, comme dans La Ronde, de Max Ophuls. « Un amalgame de choses vues, lues, observées » par l’auteur, qui dresse ainsi un portrait impressionniste de la plus grande ville universitaire du Texas et de la jeunesse américaine, à l’orée de l’année 1990. Cette fameuse génération X, nourrie au grunge, lobotomisée par MTV, déboussolée par l’avènement du virtuel et la toute-puissance des simulacres prophétisés par Baudrillard. « Je suis de la première génération qui a grandi avec la télé, reconnaît Linklater, et l’essentiel de ce que nous savons vient de la télé et pas de notre expérience. »